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Une seigneurie possédée en condominium
Nous manquons de beaucoup d'informations pour pouvoir retracer avec
exactitude l'histoire de La Buissière avant la mainmise du Dauphin André sur le
mandement en 1225. Il semblerait que le territoire était partagé depuis le XIème
siècle en plusieurs fiefs détenus par des petits nobles.
Parmi ceux-ci, une des familles les plus anciennes est celle des Granges. On suppose qu'ils ont
prit le nom du hameau qu'ils détenaient en fief. Les nobles de Granges sont mentionnés
dès le XIIème siècle à La Buissière. Ils en étaient peut-être les seigneurs aux
XIème et XIIème siècles. De bonne heure, les seigneurs de Granges se sont attachés à
la fortune des Comtes d'Albon : Les Cartulaires de St Hugues mentionnent le nom de Guigues
en 1099 : ce chevalier a été témoin de la restitution faite à St Hugues par le Comte
Guigues III de plusieurs églises. Un autre Granges, Gérald, possédait un mas vers 1100.
Malheureusement, les textes ne nous permettent pas de le situer. Enfin, Raymond est cité
dans deux chartes datées de 1111 et 1140.
L'attachement
de la famille de Granges aux comtes d'Albon n'était pas commun à tous les nobles de la
région : ces petits seigneurs aux confins du Dauphiné et de la Savoie relevaient presque
tous de la suzeraineté des puissants seigneurs d'Entremont, de Briançon ou de
Bellecombe. Ces derniers s'étaient reconnus de bonne heure comme hommes-liges des Comtes
de Savoie et leur étaient fidèles. Ce n'est qu'au début du XIIIème siècle que les
Briançon et les Bellecombe, contraints par les événements politiques et pour
sauvegarder leurs intérêts, acceptèrent l'hommage simple envers les Comtes de
Grésivaudan, en réservant toujours l'hommage-lige aux Comtes de Savoie.
Parmi
les petits nobles du futur mandement de La Buissière, la famille de Chateauneuf détenait
le fief le plus important sur lequel elle avait la haute suzeraineté. Il englobait la
moitié du bourg de La Buissière, ainsi que de nombreuses autres terres. Ce fief passa à
la famille de Salvaing vers 1140/1150 par mariage entre Anne de Chateauneuf et Aimon V de
Salvaing, fils de Raymond, seigneur de Salvaing. Ce dernier s'était installé à La
Buissière vers 1100 en y achetant une terre au Boissieu.
Les Comtes d'Albon eux-mêmes semblent avoir possédé des terres
depuis longtemps en Grésivaudan. L'historien Guy Allard mentionne qu'en 889, un Guigues
d'Albon y possédait le mandement de La Buissière. Le terme de mandement n'étant apparu
qu'au XIème siècle, cette information doit être prise avec précaution. Il est par
contre certain que les Comtes d'Albon possédaient un fief sur le territoire de La
Buissière depuis au moins le XIème siècle.
Cette terre
avait peut-être été usurpée comme d'autres à l'évêché de Grenoble suite aux
compromissions de l'évêque Mallein avec Guigues Ier vers 1050. L'enquête de 1263
nous renseigne sur les possessions du Dauphin dans le mandement :
les habitants déclarent que le seigneur comte avait la propriété avant la première
enquête ( peut-être même avant 1225 ?) d'un four situé dans le bourg dont le revenu
était de 6 livres environ et d'un demi journal de terre près du ruisseau de
Cognin. Ensuite, le comte acquit de Hugues de Chateauneuf des cens en argent et en nature sur
divers vassaux, un pré de marais avec ses arbres, appelé pré du verger, un autre pré
confinant celui des Omar, une vigne à la Bayette joignant celle de noble Guiffrey
Salvaing et un moulin et son tènement situé derrière le château.
Ainsi vers 1220/1225, les Dauphins avaient réussi à faire
reconnaître leur suzeraineté par tous les détenteurs de fiefs du mandement de La
Buissière à l'exception d'un seul, le chevalier Guiffrey Salvaing, petit-fils d'Aimon V.
Il en résultait que les droits sur la seigneurie de La Buissière étaient partagés
entre le Dauphin et Guiffrey Salvaing, situation curieuse et inhabituelle à cette
époque. Elle ne pouvait durer que si les intérêts et les visées égoïstes de l'un et
de l'autre n'entraient pas en conflit.
1225 - La prise de contrôle du mandement par le
Dauphin
André-Dauphin ne pouvait accepter longtemps de partager le
pouvoir sur un mandement frontalier avec un obscur chevalier : en s'assurant la mainmise
sur ce territoire, il savait qu'il renforçait la défense du Grésivaudan contre les
visées du Comte de Savoie tout en s'assurant des revenus confortables sur une terre
réputée riche. En politique habile, il monte une machination destinée à déposséder
Guiffrey Salvaing de ses droits sur le fief de La Buissière.
Salvaing est sommé dans un premier temps de lui faire hommage, ce que le fier chevalier
refuse pour deux raisons : il ne reconnaît que la suzeraineté du Comte de Savoie et ses
droits sur son fief sont de franc-alleu, c'est à dire qu'il n'est pas tenu d'en recevoir
l'investiture d'un suzerain. En fait, le refus du chevalier semble parfaitement fondé car
ses droits sur ses biens, hérités de la famille de Chateauneuf, sont plus anciens que
ceux des Comtes d'Albon.
Plutôt que de recourir à la violence, le rusé Dauphin décide de gagner la fidélité
des propres vassaux de Guiffrey en recourant à une politique de grands travaux pour
embellir le bourg : il fait notamment construire une digue de pierre, appelée le Grand
Terrail, pour refouler les eaux de l'Isère vers la rive gauche, permettant ainsi de
rattacher à la rive droite une île formée par un bras de la rivière. Cette île
s'étendait du ruisseau de La Maladière à celui de la Ville. Nul doute que pour parvenir
à ses fins, le Dauphin résida souvent au château pour prouver aux habitants tout
l'intérêt qu'ils auraient à reconnaître sa suzeraineté directe.
En vertu du droit de commise, par lequel un seigneur pouvait devenir propriétaire d'un
fief dans les cas de félonie ou de refus d'hommage, André-Dauphin déclare Guiffrey
Salvaing déchu de ses droits seigneuriaux sur les habitants et le fief de La Buissière
et se les adjuge ainsi. Décidé à préserver son honneur et son indépendance plutôt
que ses biens matériels, le chevalier rejette toute proposition impliquant une prestation
d'hommage à son rival. Le différend entre les deux co-seigneurs ne cesse de
s'envenimer,
résultant en discordes et rancoeurs. Sur l'insistance et les conseils de ses amis
proches, Guiffrey Salvaing consent enfin à vendre au Comte sa part de seigneurie pour le
prix dérisoire de 200 livres, somme représentant à peine un an de revenus de cette
terre. L'acte de vente est passé le 28 septembre 1225 en présence des seigneurs Eimeric
de Briançon, Aimar de Sassenage, Odon Alleman, Guillaume de Bellecombe et Ainard de
Bardonèche, tous chevaliers :
"
Nous, Dauphin, Comte de Viennois et d'Albon, et nous, Guiffrey de
Salvaing, chevalier, par le présent acte faisons savoir ce qui suit :
"Des discordes, différends et rancoeurs existaient entre nous sur les points
suivants :
"Nous, Guiffrey, nous nous plaignions de ce que le dit seigneur Comte nous avait
gravement offensé dans les circonstances suivantes. D'après l'ancienne
coutume, nous
faisions proclamer notre arrivée dans le bourg et dans les autres lieux du mandement de
La Buissière, de la même manière que le dit Comte. Or, par son ordre, ce droit de
préconisation nous a été enlevé. En outre, conjointement avec le dit Comte, nous
avions la pleine juridiction sur tout le dit-mandement, le droit d'imposer nos hommes et
de percevoir les frais de justice. L'exercice de notre juridiction et de nos droits nous
ayant aussi été supprimés, nous en réclamions énergiquement la restitution.
"Contradictoirement, nous, Comte et Dauphin, prétendions que ces divers droits nous
étaient échus par commise par suite de l'hommage que nous avaient prêté les hommes de
Guiffrey et que celui-ci nous avait refusé.
"Nous, Guiffrey, nous ne pouvions admettre ces raisons, car nos droits et nos liens
ne dépendent d'aucune manière du fief et du domaine du dit-Comte.
"Enfin, après ces échanges de part et d'autre, de raisons alléguées et
réfutées, de propositions d'entente avancées et rejetées, et après en avoir conféré
avec plusieurs nobles personnages intervenus pour mettre fin au conflit, et sur leur
conseil, nous, Guiffrey de Salvaing, vendons, cédons et abandonnons au
dit-Dauphin Comte
et à ses successeurs, tous les droits, actions réelles et personnelles, utiles et
directes, qui nous appartiennent ou peuvent nous appartenir en raison, de ces mêmes
droits, à l'exception cependant de nos hommes demeurant hors du bourg de La Buissière et
de la juridiction sur notre maison-forte du Boissieu et ses dépendances. Cette vente est
consentie pour le prix de 200 livres viennoises que nous avons reçues du dit seigneur
Comte. En toute sincérité, nous délions les susdits habitants de La Buissière du
serment de fidélité qu'ils ont autrefois prêté à notre père Aimon et à
nous."
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